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Question juridique – Auteurs / Éditeurs

Droit de publication sur cartes postales anciennes

Une maison d’édition souhaite publier un livre contenant une abondante iconographie, notamment des cartes postales anciennes sur lesquelles des personnes sont parfaitement reconnaissables.
Notre société d’édition souhaite publier un livre contenant une abondante iconographie, notamment des cartes postales anciennes sur lesquelles des personnes sont parfaitement reconnaissables.
Or, ces cartes postales proviennent de collections privées et l’éditeur n’existe plus.
Le nom du photographe ne figure pas non-plus sur la carte.
Quels sont les risques et comment les éviter ?
Réponse (23/10/2018)
Pour utiliser dans un livre la reproduction d’une carte postale avec une personne identifiable, il faut obtenir l’autorisation des ayants droit.
Ces ayants droits sont : la personne photographiée, au titre de son droit à l’image, le photographe, au titre de ses droits d’auteur, et l’éditeur de la carte postale, détenteur en principe de l’ensemble de ces droits, nécessaires à l’édition initiale de la carte.
Il y a donc lieu de rechercher activement ces personnes, et de garder trace des recherches effectuées.

En effet, sur le terrain du droit d’auteur du photographe, l’article L113-10 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) définit la carte postale envisagée comme une œuvre orpheline, c’est à dire une œuvre dont le titulaire des droits ne peut pas être identifié ou retrouvé, malgré des recherches diligentes, avérées et sérieuses.
Le régime général des œuvres orphelines est fixé aux articles L135-1 et suivants du CPI. Il prévoit une autorisation générale de numérisation et mise à disposition du public par des organismes culturels, non-commerciaux, MAIS les photographies et images fixes en sont expressément exclues.
Dès lors, une carte postale œuvre orpheline ne bénéficie d’aucun régime particulier.

C’est pourquoi, en l’absence d’auteur identifié s’est développé l’usage de la mention « crédit photo DR » ou « Droits réservés ». Elle signifie que l’éditeur n’a pas trouvé d’ayant droit pour la photo mais s’engage à régler les droits si un auteur se manifeste. Cette pratique n’a aucune base légale.

De plus (article L123-1 CPI et suivants), la durée de protection des œuvres par le droit d’auteur est de 70 ans pour les droits patrimoniaux (+ 6 et 8 ans, voire jusqu’à 88 ans, avec les prorogations liées aux guerres du 20° siècles).
Cette durée de 70 ans courre à compter de la mort de l’auteur mais, pour les œuvres orphelines, elle courre à compter du 1er janvier de l'année civile suivant celle où l’œuvre a été créée. En 2018, une œuvre orpheline antérieure à 1948 est tombée dans le domaine public.

Attention toutefois, car le calcul de la durée des droits patrimoniaux sur une œuvre peut être délicat, eu égard aux changements de durée légale de protection, de 50 à 70 ans, en 1985 et 1995, aux prorogations liées aux guerre, notamment pour un auteur mort pour la France, tel Antoine de Saint Exupéry, dont les œuvres sont protégées pendant plus de 88 ans et ne tomberont dans le domaine public qu’en 2033.

Par ailleurs, la protection par le droit d’auteur est perpétuelle pour le droit moral de l’auteur, c’est-à-dire, ici, le droit au nom.
A ce titre, les héritiers de l’auteur d’une œuvre tombée dans le domaine public peuvent néanmoins exiger que le nom figure sur l’œuvre et peuvent s’opposer à toute atteinte à l’intégrité de l’œuvre, sauf à prouver que l’auteur avait donné son accord à cet égard.

Sur le terrain du droit à l’image de la personne identifiable sur la carte postale
Dans notre cas, si après publication la personne photographiée ou ses héritiers se manifestent, il y a deux situations :
- si c’est la personne elle-même qui se manifeste, il y aura lieu de trouver un accord avec elle pour l’utilisation de son image ;
- si ce sont ses héritiers, vous n’avez rien à leur demander et ils ne peuvent vous empêcher d’utiliser l’image de leur aïeul décédé.

En effet, le droit à l’image des personnes n’existe pas en tant que tel dans la loi mais s’est construit sur la base de l’article 9 du Code civil qui dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». La jurisprudence a ensuite consolidé l’idée que « chacun jouit sur son image d’un droit absolu ».

Ce droit à l’image fait partie des droits de la personnalité, construction jurisprudentielle, droits fondamentaux que toute personne possède et qui sont inséparables de la personne. Citons notamment le droit au respect du corps, au respect de sa vie privée, droit à l’image et à la voix.
Ces droits ne sont pas transmissibles aux héritiers.
La jurisprudence bien établie aujourd’hui considère que le droit à l’image s’éteint avec la personne.

Attention, le droit à la dignité, à l’honneur et à la réputation constitue une limite infranchissable quant à l’utilisation de l’image d’une personne décédée.
Il ne faut donc pas créer de préjudice moral personnel aux héritiers par la publication de cette carte postale dans un livre, avec un commentaire désobligeant à leur égard par exemple. Ce serait alors le droit commun de la responsabilité qui trouverait à s’appliquer.

Conclusion, en pratique
On ne peut pas généraliser, chaque cas étant unique.
Il convient donc d’analyser le projet de publication au regard du droit d’auteur, du doit à l’image et du risque de préjudice moral pour d’éventuels héritiers.
En pratique, ce n’est que si la carte postale n’est pas très ancienne que les risque sont les plus importants, tant pour les droits d’auteur que pour le droit à l’image des personnes.

Fiche juridique réalisée par Maître Jean-Pierre Roux, avocat.