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Actualité – Publics éloignés

[Pages de Bretagne] De la nature en détention


photo [Pages de Bretagne] De la nature en détention
Sortie à l’Écocentre de la Taupinais avec des détenus du Centre pénitentiaire de Rennes-Vezin (35)

Certains établissements pénitentiaires participent régulièrement à l’évènement international de la Fête de la nature, à l’initiative des coordinatrices culturelles qui oeuvrent dans les prisons bretonnes. En mai 2025, quatre prisons ont ainsi déployé des actions artistiques et culturelles durant une semaine, visant à intégrer le rapport à la nature dans le parcours de détention.

À Saint-Brieuc, le projet s’est décliné en trois temps forts, avec un accent sur la « transmission et la pédagogie, alors que la nature est totalement absente en détention », comme le souligne la coordinatrice culturelle Aurélie Têtu. « Ces actions permettent de créer ou récréer un lien avec les éléments naturels. » Deux comédiens de l’association malouine Psychomédie ont tout d’abord proposé à un groupe de six détenus de rejouer des affaires judiciaires, en incarnant tour à tour la partie civile, l’avocat, le magistrat... pour les amener à réfléchir aux gestes du quotidien et à l’engagement de chacun et chacune pour le respect de la nature.
Un groupe de détenus a bénéficié d’une permission de sortie à la découverte de la flore de l’île de Bréhat grâce au guide Ewen (Bréhat Écotone). Une randonnée les a amenés à la rencontre de maraîchères bio et locales et de leurs produits laitiers...
Un atelier scientifique de botanique a été organisé avec Julie, de l’association Guimauve et Aubépine, qui a initié le groupe à reconnaître les différentes feuilles et fleurs amenées en détention. Et leur a proposé d’en déguster quelques infusions. « Un atelier inspirant, la nature nous entoure et nous sommes ignorants de ces sujets pourtant simples ! », témoignent les participants.
Dans le cadre du Prix Facile à lire Bretagne, auquel les établissements pénitentiaires participaient pour la première fois en 2025, un atelier de découverte des plantes et de leur utilisation culinaire a également été animé par une herboriste en lien avec l’un des ouvrages en lice, Végétal de Juliette Einhorn et Hélène Druvert (La Martinière jeunesse, 2023).

Le Centre pénitentiaire de Rennes-Vezin a lui aussi pris part à la Fête de la nature grâce aux actions préparées par la coordinatrice culturelle Benjie Bartos. Celle-ci a organisé une sortie pour huit personnes détenues à l’Écocentre de la Taupinais, avec une animatrice de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). Les détenus ont récolté des fleurs dans des bocaux avant de les écraser pour créer un parfum personnel. Puis, par petits groupes, les participants ont attrapé à l’aide d’épuisettes des « bestioles » dans la mare à proximité afin d’identifier la faune vivant dans le milieu aquatique breton. « Une activité sensorielle réalisée avec beaucoup de curiosité et d’implication, qui fait prendre conscience que la nature est un bien commun et que chaque personne peut contribuer à protéger cette biodiversité, même à sa petite échelle », conclut l’intervenante de la LPO. Plus tôt dans l’année,
Benjie Bartos avait animé un atelier avec une vingtaine de personnes détenues autour de la nécessaire protection des oiseaux, souvent victimes des déchets jetés aux abords de la prison. Grâce à des livres audio, elle leur a proposé des séances d’écoute de leurs chants.

Élise Desmulie a la charge de la coordination culturelle du Centre pénitentiaire des femmes de Rennes et de la Maison d’arrêt de Saint-Malo, deux établissements qu’elle a également inscrits à la Fête de la nature. Avec l’association malouine Sensations littoral, pour lutter contre la sédentarité en détention, elle a embarqué un groupe de personnes détenues pour un randonnée sous forme de visite du littoral. Les détenus ont acquis des clés de lecture de ce territoire familier mais méconnu. « Cette part de découverte et de sensibilisation incite à la transmission aux familles, lors des parloirs et une fois les personnes sorties de détention », précise Élise Desmulie.
Un projet au long cours se déploie depuis mai et jusqu’en octobre, avec la complicité de Voyage en patrimoine, une association de médiation scientifique qui édite un magazine accessible. Les navigateurs Marine et Wenceslas, partis aux Açores, échangent avec les détenus et leur livrent les phénomènes scientifiques qu’ils rencontrent lors de leur voyage, comme les sons et le langage des cétacés. Les détenus travaillent en écho à une réalisation plastique d’une « créature marine ». À l’automne, les navigateurs viendront en détention à la rencontre des détenus, qui pourront découvrir leur magazine édité en FALC (Facile à lire et à comprendre).

Au sein du Centre pénitentiaire des femmes de Rennes, d’autres actions ont été menées, notamment en lien avec le jardin de la prison, un espace « que les détenues aperçoivent, mais où elles n’ont pas le droit d’aller » : le travail artistique via une intervention sur les cyanotypes leur a permis de voir ce lieu autrement, de se l’approprier en se reconnectant à la nature. « Les détenues sont en perpétuelle observation, elles sont particulièrement sensibles et vigilantes au rythme et à la croissance des éléments naturels
qu’elles aperçoivent. » Elles ont pu participer à un club de lecture sur le sujet avec des ouvrages prêtés par les bibliothèques de Rennes, mais aussi à un atelier de confection de tisanes, pour répondre à des symptômes identifiés en détention, par exemple en lien avec la ménopause : migraines, anxiété... En parallèle, chacune a pu, lors d’un atelier d’écriture, nommer sa mixture et mobiliser son imaginaire pour la décrire.
En écho à cette programmation de la Fête de la nature, une sélection d’ouvrages en lien avec les animaux et l’environnement a été mise en avant au sein des bibliothèque de détention, notamment grâce aux conseils des bibliothèques publiques partenaires. Pour que derrière les murs continuent de se faire entendre les chants des oiseaux et des baleines.

 

Article rédigé par Maïlys Affilé pour Pages de Bretagne, n° 56, septembre 2025

Lire l'intégralité de la revue - Pages de Bretagne n°56 - L'écologie du livre, le début de quelque chose d'autre

Lauriane Mordellet
Chargée de mission Culture-Justice
lauriane.mordellet@livrelecturebretagne.fr
07 44 40 52 02
Sara Mammad de Beauregart
Chargée des publics éloignés du livre et de la lecture et Chargée de mission lecture-justice
sara.mammad@livrelecturebretagne.fr
07 55 62 34 69