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[Pages de Bretagne] L'éditorial de Mérédith Le Dez : Le silence du papier


photo [Pages de Bretagne] L'éditorial de Mérédith Le Dez : Le silence du papier
Mérédith Le Dez

Le silence du papier

Au-delà de la précarité financière des auteurs dont l’enquête menée par Livre et lecture en Bretagne, en partenariat avec le Master 1 Sociologie de l’Université Rennes 2, révèle l’ampleur, la période post-Covid est marquée par des évolutions inquiétantes, notamment la crise du papier frappant de plein fouet la chaîne du livre, dans notre région comme ailleurs. Pour les éditeurs bien sûr, et en premier lieu les petits éditeurs indépendants, la question est cruciale : comment continuer à publier alors que les coûts de fabrication explosent ? Les écrivains de création en font les frais, comme ils paient d’autres crises, liées aux mutations technologiques et sociétales depuis vingt ans. Aussi, ce qui interroge aujourd’hui, outre les difficultés matérielles qui sont ce qu’elles sont pour ceux qui écrivent, traduisent, illustrent, c’est l’inconfort grandissant d’une situation nouvelle que j’appellerai le silence du papier.

« À l’image de leurs confrères et consoeurs de l’Hexagone, les auteurs et autrices bretons sont en moyenne âgés d’une cinquantaine d’années. La majorité (68,9 %) a publié son premier livre à compte d’éditeur à partir des années 2000, dont 39,7 % après 2010, et 60,9 % a édité son dernier ouvrage au cours des deux dernières années. » Or depuis les années 2000, précisément, en matière d’accès à l’édition à compte d’éditeur pour les auteurs, la donne a changé. Il était d’usage courant jusqu’alors pour un auteur qui envoyait son manuscrit par la poste à un éditeur, qu’il fût de Bretagne ou d’ailleurs, de recevoir un accusé de réception parfois et la plupart du temps, quand le texte n’était pas retenu, un courrier de refus, sous la forme d’une lettre type ou d’une lettre plus personnalisée.
Ce n’était jamais agréable, bien sûr, de se voir fermer une porte après quelques mois d’attente, mais c’était le jeu, dont chacun connaissait les usages et respectait les formes. En vingt ans, et le processus s’est accéléré depuis le printemps 2020, le jeu a changé et l’auteur quitte souvent la partie à son insu. Si nombre de maisons acceptent désormais l’envoi des manuscrits par voie numérique, si d’autres stipulent qu’elles répondront aux envois postaux dans un délai variant de deux à six mois, rares sont les maisons qui signifient à l’auteur la réception de leur texte tandis que se généralise l’absence totale de réponse des éditeurs. J’en veux pour preuve non seulement mon propre exemple, anecdotique, mais aussi celui de très nombreux auteurs de mes relations, en Bretagne et ailleurs, publiés dans de très petites maisons ou des grandes, en butte au silence du papier. Celui-ci, pesant, épais, règne en maître.

Par contraste, l’époque est au remplissage, au bavardage, au clinquant, à la publicité triomphante des mêmes ouvrages partout, en Bretagne et ailleurs, qui voit quelques titres dans l’air du temps occuper tout l’espace de la rentrée littéraire : le cas Despentes en septembre dernier est révélateur du lessivage des cerveaux.

Or, en Bretagne comme ailleurs, de ce silence et de ce matraquage, on en crève.

 

Mérédith Le Dez, écrivaine et poète
Présidente du comité consultatif de Livre et lecture en Bretagne

in Pages de Bretagne, n°53, janvier 2023, en écho au dossier rédigé par Cécilia Lacour : Les artistes-auteurs bretons, la précarité d'un métier-passion